Retour à la partie précédente : I. Un dernier tour dans la capitale

Teotihuacan_Cinthia_Aguilar
 

II. La chute de Teotihuacán

Avant de partir dans l’état de Puebla pour un reportage, je me rends à Teotihuacán, un ancien empire pré hispanique de renom. Le site recèle de mystères. Des archéologues continuent de fouiller pour répondre aux nombreux secrets de cette cité. On ne sait pas grand-chose sur les bâtisseurs qui ont posé les premières pierres en 200 avant J.C. Tout comme on ignore les raisons qui ont mené à leur disparition 900 ans plus tard. Une hypothèse : celle d’un effondrement de l’intérieur du fait d’un fonctionnement profondément inégalitaire. 

On sait par contre que les Aztèques sont arrivés après la disparition des bâtisseurs et qu’ils ont dit (plus ou moins) : « Hop ! On se pose là ». Ils lui donnent le nom de Teotihuacán : « la cité de Dieux » ou « la cité où les hommes sont devenus des Dieux » selon les traductions. Sans pression. Creuser pour ne pas oublier. Creuser pour s’interroger. Si retracer l’histoire fait office de boussole, à nous de savoir comment la lire pour éviter de répéter les mêmes erreurs, inlassablement.

 
 

Pour me rendre à Teotihuacán, j’opte pour les transports en commun. Ce n’est pas l’idée d’économiser quelques euros qui me pousse à faire ce choix, plutôt l’esprit de débrouille. Chercher le bus approprié, parler au chauffeur pour être sûr de ne pas aller dans l’autre sens (mon sens de l’orientation n’est pas toujours infaillible).

Nous quittons la ville sous les « Quizás, quizás, quizás » d’un artiste reprenant une chanson cubaine mondialement célèbre. Chanter est une pratique courante dans les transports en commun au Mexique : des artistes anonymes offre un moment de partage durant quelques kilomètres.

Devant un feu rouge, ce sont des clowns qui suscitent mon attention avec une série d’acrobaties. Chanteur, clown, le travail informel est monnaie courante dans ce pays pour gagner quelques pièces. Je remarque au cours de mon périple que les Mexicains sont bien souvent plus généreux que les touristes. Ils ont moins à offrir, mais ils offrent quand même.

Dans le bus, je sympathise avec Riquelme, une jeune Chilienne qui termine son voyage le jour suivant. Elle a traversé une partie du Mexique en partant de la péninsule du Yucatan, prisée pour ses plages de rêves. « L’afflux touristique dans cet état a ses effets pervers, me raconte-t-elle. Beaucoup de voyageurs se prennent pour des rois en se souciant davantage à leur image sur les réseaux sociaux qu’à la beauté des lieux et à la magie des rencontres… » En sera-t-il de même pour Teotihuacán ?

© Tarsicio Sañudo Suárez / Postandfly

Après un trajet d’environ une heure, nous arrivons aux alentours de 11h. Les plus motivés sont venus de bonne heure pour admirer le site en étant (presque) seul. Le survol de montgolfières dans les airs aux aurores ajoute une dimension poétique. Faudra y penser la prochaine fois !

Car à 11h les montgolfières ont disparu mais le soleil de plomb est bien là. Teotihuacán n’offre aucun répit : les endroits ombragés sont une denrée rare, l’eau est vitale, la chaleur suffocante. Devant nous se dresse la pyramide du soleil. La plus ancienne, la plus impressionnante. Une ressemblance frappante avec une pyramide égyptienne ? Pas tellement, celle-ci se termine par une large surface plane où avait lieu les rites du feu. Pour atteindre les 65 mètres de hauteur, les touristes mettent un pied devant l’autre, sur 238 marches. Prêt ?

 
 

C’est parti. A fond la caisse ? Non… c’est la cohue. Tous à la queue leu-leu. Les gens respirent forts, certains portent des masques, sans doute la psychose du coronavirus (eh oui à cette époque j’ai écrit ça sur mon carnet de voyage…).

Une fois au sommet, tout le monde veut sa photo, de préférence seul au monde. J’observe différentes poses : dos à la caméra, scrutant l’horizon tel un explorateur des temps modernes ; assis, les bras faisant office d’appui pour donner l’impression d’avoir fait un effort intense et d’être dans un moment de relaxation ; les mains en l’air, signe de triomphe avec les yeux rivés sur l’objectif pour montrer sa détermination.

 
 

Je n’échappe pas à cela. Après tout, on souhaite tous gardé une trace de son passage. Je pose devant la pyramide de la lune, mon appareil photo en bandoulière. Au fond de moi je pense à ce travail manuel titanesque pour bâtir cette cité qui aurait compté entre 100’000 et 200'000 habitants à son apogée. Lors de la descente, attention à la marche ! Ça serait bête (et douloureux) de rouler jusqu’en bas.

Une fois descendu, l’Allée des morts se profile à ma droite. Lieu de rassemblement entre les deux pyramides les plus importantes, celle du Soleil et celle de la Lune. Leur emplacement est tout sauf anecdotique : elles sont alignées avec le soleil deux fois dans l’année lors des solstices.

Un spectacle fascinant qui fait venir des milliers de personnes ici ou à Chichén Itzá, un site Maya dans la péninsule du Yucatan. Cette dernière est considérée comme l’une des sept merveilles du monde moderne. Si la pyramide de la Lune est moins grande, ses marches sont plus étroites et plus hautes. L’effort en vaut la chandelle. Le sommet offre une vue dégagée sur le site. Au loin se trouve le temple du Serpent à Plumes considéré comme le Dieu créateur du monde par de nombreuses civilisations mésoaméricaines.

 

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III. L’affaissement de Notre-Dame de Guadalupe

© Gaspar Hernandez

I. De la Condesa à la Roma en passant par Chapultepec

© Adam Jones


Texte © Sébastien Roux - Photo de couverture © Cinthia Aguilar