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Adios México. Désormais, je pars vers l’inconnu : l’état de Puebla m’appelle. J’ai comme seule attache mon sac-à-dos de dix kilos et quelques contacts enregistrés sur mon téléphone. L’aventure, rien que l’aventure. Nous sommes le mercredi 19 février 2020.
I. Des détonations retentissent
Les kilomètres reliant México à Puebla sont avalés sur des routes fracassées. Faut dire que le chauffeur de bus ne cherche pas vraiment à éviter les nids de poules. Il mise plutôt sur la souplesse de ses amortisseurs et la fermeté de nos fesses.
Un paysage aride défile à travers les vitres. Le bruit du moteur résonne dans le véhicule tandis que l’odeur de l’essence remplit mes narines. J’apprécie les joies de la seconde classe à leur juste valeur. Après tout, je voyage aussi pour ce genre de souvenir. Pas toi ?
À peine arrivé, direction Cholula, une ville accolée à Puebla, pour faire la connaissance d’Efrain. Cet étudiant mexicain de 24 ans m’offre généreusement une chambre dans une colocation géante mêlant plusieurs nationalités. Décidément, Couchsurfing réserve bien des surprises. Le concept de cette plateforme est simple. On complète son profil comme sur Facebook pour ensuite demander d’être hébergé par des locaux ou pour seulement les rencontrer. À la différence d’AirBnB, il n’y a pas d’échange monétaire. Tout repose sur la confiance. L’idée étant de partager un bon moment pour façonner des anecdotes de voyages.
La nuit est tombée, il est l’heure de diner. Dans la cuisine, la télévision est allumée. Les informations nationales défilent : règlement de compte entre cartels de drogue, nouvelle vague de féminicides, problèmes de corruption… rien de bien réjouissant en somme.
Au loin dans la rue, j’entends une détonation, suivie d’une deuxième. Je regarde Efrain avec un air interrogateur. « Les coups de feu dehors ? Ahhhhh, ça doit encore être les narcos qui se tirent dessus », dit-il en me fixant, avant d’esquisser un petit sourire malicieux. Ce sourire fait tilt, Efrain se joue de moi nom de Dieu. Les « coups de feu » sont en réalité une coutume dans cette ville réputée pour ses innombrables églises. Des détonations quotidiennes en l’honneur des Saints. Pas de cloche qui résonnent dans le ciel, juste des pétards.
Cholula, ou comment mettre une église sur une pyramide
Que dire de Cholula ? Une petite ville artistique, branchée et colorée. J’explore les rues de fond en comble en prenant comme point de repère la place du centre-ville, le fameux Zocalo qu’on retrouve un peu partout au Mexique. Je me perds dans les milles et une saveurs des marchés, qu’ils soient en extérieur ou dans des entrepôts gigantesques. Il y en a pour tous les goûts : poisson frais (enfin, je pense) ; viande grillé, légumes variés et sucreries illimitées. Je remarque qu’à Cholula les bâtiments ne dépassent pas les deux étages. Tout est fait pour que le monument principal reste visible de tous : la Grande Pyramide de Cholula avec au sommet l’église de Nuestra Senora de los Remedios.
Cette pyramide porte bien son nom : devant moi se dresse le plus grand monument au monde construit par l’homme. Quoi, tu ne me crois pas ? Coup d’œil à ses dimensions : un socle de 16'000 mètres carrés, soit l’équivalent de neuf piscines olympiques. En comparaison la pyramide de Gizeh en Egypte c’est de la gnognotte, elle est quatre fois moins grande que celle de Cholula.
Cette « montagne artificielle » est incrustée dans la plaine. Du coup, difficile d’avoir conscience de sa taille sans regarder la maquette du site. Tu veux construire la même chose chez toi ? Sache que les bâtisseurs auraient mis grosso modo mille ans pour arriver au bout de l’édifice. Bonne chance à toi. Les bâtisseurs par contre en ont manqué cruellement... Cinq siècles plus tard, les conquistadors catholiques sont arrivés en se disant : « Sympa ça ! Et si on mettait une église au sommet pour assoir notre autorité ? » Morale de l’histoire, l’homme souhaite toujours s’élever vers les cieux. La plupart du temps en rayant ce qui lui fait de l’ombre.
Suite de l’épisode (clique sur l’une des images pour accéder à la suite)
Texte © Sébastien Roux - Photo de couverture © Sergio Saúl Bonilla Luna